Le carré des indigents, Hugues Pagan, Rivages/Noir

 Le Carré des indigents

Hugues Pagan

Editions Rivages



Présentation de l'éditeur :

Novembre 1973. L'inspecteur principal Claude Schneider revient dans la ville de sa jeunesse après un passage par l'armée et la guerre d'Algérie dont il ne s'est pas remis. Il aurait pu rester à Paris et y faire carrière, mais il a préféré revenir "chez lui". Nommé patron du Groupe Criminel, il ne tarde pas à être confronté à une douloureuse affaire : Betty, la fille d'un modeste cheminot, qui était partie rendre des livres à la bibliothèque, n'est pas rentrée. Son père est convaincu qu'elle est morte. Schneider aussi. Schneider est flic, et pourtant il n'arrive toujours pas à accepter la mort. Surtout celle d'une adolescente de 15 ans au visage de chaton espiègle. Il parviendra à faire la lumière sur cette affaire, mais continuera de voyager au pays des ombres. 





"La nuit, la Ville l'attendrait avec ses lumières et ses grands bras glacés. Elle viendrait à lui et l'environnerait de toute part, comme une amante attentive et soucieuse, avec des ferveurs de chambre froide. "




Mon premier Pagan ! 

Et ce ne sera pas mon dernier. 

Dans ce "Carré des indigents", Pagan nous fait suivre un personnage déjà connu, Schneider. Un flic pas forcément très drôle mais dont la droiture est respectueuse. 

Schneider revient dans sa ville après la guerre d'Algérie, une ville qui ne porte pas de nom mais qui n'est pas Paris. Une ville qu'il aime et dans laquelle il se sent à l'aise. "Le carré des indigents" est d'avantage qu'un livre policier, c'est un roman qui met en lumière les plus petits de cette France au sortir de la guerre. A travers la disparition de Betty, adolescente de 15 ans au visage de chaton, Schneider va se rapprocher de ces gens qu'on oublie trop souvent. Singulier dans ces actes, le patron du groupe criminel préfère déjeuner avec la famille de la disparue que côtoyer les huiles de la police. 

Avec son équipe, il va enquêter bien qu'il se doute déjà de l'issue : il sait que Betty est morte. Tout comme son père d'ailleurs.Tous les deux deviennent très proches, d'autant que eux, ils (res)sentent ce qu'il est advenu de la jeune fille. 

Tout au long de ce roman, on apprécie l'écriture de Hugues Pagan, c'est fin et habile, subtil et passionnant. L'auteur a longtemps été policier, il sait de quoi il parle mais il ne tombe jamais dans le cours magistral, dans les descriptions hyper détaillées, dans l'écriture de scènes horribles. Il décrit une réalité âpre, dure et humaine. Il nous rappelle que les policiers sont aussi des êtres humains. 

Et puis, il y a cette petite guerre au sein de la police, à commencer par le big boss qui  ne veut pas de Schneider, qui se demande pourquoi diable il a obtenu un légion d'honneur qu'il ne souhaite pas porter, lui qui tuerait père et mère pour l'avoir au revers de son veston. Un patron jaloux du charisme de son nouveau chef de groupe et qui fera tout pour lui mettre des bâtons dans les roues. Mais Schneider est droit dans ses bottes, il n'en a que faire de sa carrière. Ce qu'il veut, c'est résoudre les enquêtes qui lui sont confiées et qui défilent sur son bureau. Ce qu'il souhaite c'est aider les pauvres gens qu'on oublie trop souvent car sans gros revenus ni réseaux. 

Schneider détonne dans le paysage. Là où certains s'adonnent à la bastonnade des SDF, lui les protège, quitte à dénoncer les exactions d'autres policiers. Au moins, il a la conscience tranquille. On n'est plus en Algérie, mais même là-bas, il n'est jamais tombé dans ces bassesses. Pas comme certains. 

"Le Carré des indigents" se situe au début des années 70. Pagan décrit des flics qui fument, qui boivent, qui vont au restaurant, qui parle l'argot, qui se désignent par des surnoms, qui fricotent parfois avec la pègre. Nous sommes dans un autre monde et j'ai beaucoup aimé cette immersion. 

" - C'était quoi, cette idée à la con de dormir à l'hôtel ? 
- Une idée à la con, murmura Schneider. 
- Et cette idée à la con de revenir en Ville, c'était quoi ? 
- Une autre idée à la con."

Enfin, je terminerai en soulignant l'écriture poétique de Hugues Pagan. L'auteur a réussi à me transporter au-delà de l'enquête policière. Il joue avec les mots, avec les phrases, c'est lyrique bien que sombre. 

Un roman à découvrir aux éditions Rivages. 


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