Juste après la vague, Sandrine Collette, Editions Denoël.


Il a suffi d'une fois. Une seule mauvaise décision, partir, suivre un homme à Paris. Moe n'avait que vingt ans. Six ans après, hagarde, épuisée, avec pour unique trésor un nourrisson qui l'accroche à la vie, elle est amenée de force dans un centre d'accueil pour déshérités, surnommé "la Casse". La Casse, c'est une ville de miséreux logés dans des carcasses de voitures brisées et posées sur cales, des rues entières bordées d'automobiles embouties. Chaque épave est attribuée à une personne. Pour Moe, ce sera une 306 grise. Plus de sièges arrière, deux couvertures, et voilà leur logement, à elle et au petit. Un désespoir. Et puis, au milieu de l'effondrement de sa vie, un coup de chance, enfin : dans sa ruelle, cinq femmes s'épaulent pour affronter ensemble la noirceur du quartier. Elles vont adopter Moe et son fils. Il y a là Ada, la vieille, puissante parce qu'elle sait les secrets des herbes, Jaja la guerrière, Poule la survivante, Marie-Thé la douce, et Nini, celle qui veut quand même être jolie et danser. Leur force, c'est leur cohésion, leur entraide, leur lucidité. Si une seule y croit encore, alors il leur reste à toutes une chance de s'en sortir. Mais à quel prix ? Après le magistral Il reste la poussière, prix Landerneau Polar 2016, Sandrine Collette nous livre un roman bouleversant, planté dans le décor dantesque de la Casse.



Une vague géante a (presque) tout englouti. L'eau monte de jours en jours. Une famille survit tant bien que mal. Mais quelle famille ! 9 enfants ! Sandrine Collette  décrit un monde apocalyptique dans lequel des parents vont devoir faire des choix cruciaux. Quand il est temps de partir, ils devront choisir parmi leurs neuf enfants qui va devoir rester sur le carreau. La barque est trop petite pour accueillir tout le monde. Il manque trois places. Qui va rester ?
L'heure du départ a sonné et maman, papa ont pris avec eux six de leurs enfants. Dur. Premier choc de lecture, situation difficilement imaginable.
Nous suivons donc dans un premier temps, les trois laissés pour compte dans leur survie sur leur mince colline où ils ne peuvent qu'observer l'eau qui monte, qui monte, inexorablement. Les amusements et l'absence de règles du début ne sont plus qu'un mauvais souvenir. Il faut se débrouiller pour manger, dormir, occuper les longues journées. Il n'y a plus d'adultes pour vous dire qu'il faut se brosser les dents, ne pas se chamailler, préparer le dîner, raconter des histoires. Ils sont seuls. Heureusement, les parents ont laissé un peu de vivres pour attendre car ils sont sûrs, les parents vont revenir les chercher quand ils auront trouvé les terres hautes. Donc, les trois y comptent et attendent.
Dans la deuxième partie, l'auteur suit l'embarcation à travers une mer tantôt calme tantôt déchaînée. Le temps est imprévisible et la météo constamment instable. La barque divague comme ses occupants. C'est long d'errer sur la mer sans but. Les questions les tarabustent. La mère est prostrée, elle qui a du abandonner une partie de sa progéniture. Elle a du choisir parmi ses enfants, ceux qu'elle a mis au monde, qu'elle a eu tant de mal à extraire de son ventre, à éduquer. Pourquoi eux ? Parce que, a dit le père. Il fallait bien choisir. Au moins, en ramènera t'il six. Un pourcentage de perte en cas de catastrophe naturelle ?
La mère devient folle et ne se résout pas à croire que les trois petits restants sont morts. Alors dans la troisième partie de ce roman, elle va les rejoindre. Seule.

J'ai découvert Sandrine Collette sur le tard, avec son étonnant roman précédent "les larmes noires de la terre" que j'avais beaucoup aimé et qui est actuellement en lice pour le prix polars pourpres. Même si je trouve que l'émotion est un peu moins présente, que parfois il y a des longueurs, l'auteur nous propose un exercice de haute voltige dans lequel elle s'en sort très bien. Les personnages sont bien dressés pour la plupart. Cependant, j'ai trouvé qu'il y en avait trop (quelle idée d'avoir neuf enfants !!), de fait j'ai éprouvé parfois des difficultés à savoir qui était qui et quel âge ils avaient. Obligé tout le temps de me dire : "ah oui, celui-là il a neuf ans, celui ci est comme ci, ou comme ça.". Pas trop grave mais quand même...

Bref, Juste après la vague est un très bon roman, difficile à classer, un peu survival, un peu post-apo, un peu drame mais à découvrir aux éditions Denoël.

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