D'auteur à auteur, Michaël Mention
Une nouvelle rubrique voit le jour sur Terre du noir ! "D'auteur à auteur" entend être une conversation avec un auteur de romans policiers. Celui qui a l'honneur de l'inaugurer n'est autre que ... Michaël Mention, récent lauréat du Prix Polars pourpres pour son roman Adieu demain et grand prix du roman noir de Beaune pour Sale temps pour le pays (Rivages Noirs)
Terre du noir : Bonjour Michaël, actualité oblige, tu viens de recevoir le prix Polars
pourpres pour "Adieu demain", qu'est-ce que ce prix a de particulier
?
Michaël Mention :
Salut. Je suis très touché de l’avoir
reçu, pour deux raisons : je le partage avec une romancière de grand
talent (Maud Mayeras) et c’est Adieu
demain qui a été primé, l’un de mes bouquins les plus personnels. Le
prix Polars Pourpres fait partie de ces prix décernés par de véritables
lecteurs, hors du carcan éditorial. Sur ce site, il est juste question de
passion. La même pureté d’appréciation que chez les élèves des Nuits noires
d’Aubusson, par exemple.
J'aime beaucoup ta façon d'écrire. Ton style dépouillé, c'est naturel ou tu
le travailles ?
Merci … c’est toujours étrange d’entendre
parler de son « style ». J’écris comme je ressens. Dans la vie, on a
parfois le temps d’analyser, mais quand on est en situation de stress,
l’intellect s’emballe et adopte un mode robotique : c’est pour cette
raison qu’en fonction de tel ou tel passage, j’ai une écriture télégraphique,
syncopée. Idem pour d’autres composantes (ou « tics d’écriture », au
choix). Je ne travaille réellement mon écriture que lorsque le bouquin est
fini. Là, j’imprime, relis, surligne, développe, réimprime, relis, etc. J’adore
cette étape où l’on dégraisse le texte, mais j’aime aussi débuter et conclure
les chapitres : deux étapes clés propices aux partis pris, aux pièges, aux
hameçons destinés au lecteur.
Il s'est passé du temps depuis tes premiers écrits publiés. Maintenant que
tu joues dans la cour des grands, quel regard portes-tu sur ton parcours
?
Un parcours de galère, comme pour
beaucoup. Le mien a duré quinze ans, avant que je puisse enfin rencontrer les
lecteurs. Début 2000, je me heurtais aux éditeurs les plus détestables, les
plus castrateurs. Je n’étais pas vexé, juste déprimé, car on me refusait une
légitimité à partager avec les autres. Aujourd’hui, je me considère comme
chanceux. Partager avec les lecteurs, libraires et confrères est de plus en
plus fort. De ces échanges sont nées de véritables amitiés, essentielles.
Peux-tu nous dire en quelques mots comment s'est fait ton entrée dans les
prestigieuses éditions Rivages ?
J’ai envoyé le manuscrit de Sale temps pour le pays par la poste. J’ai
tenté le coup sans y croire, uniquement pour ne pas le regretter sur mon lit de
mort. Ça peut faire sourire, mais c’est la stricte vérité : j’ai un
rapport obsessionnel aux regrets, j’en ai trop souffert dans mon adolescence.
Alors, même si je n’y croyais pas, j’ai contacté Rivages. La suite, c’est un
appel de Jeanne Guyon, suivi d’un verre de muscat pour fêter ça.
On a tous envie, en tant qu'auteur,
secrètement ou pas, de vivre de ses écrits. Est-ce que toi tu y parviens ou as-tu
un autre job ?
Je viens de retrouver un job, ce qui me
permet de dormir mieux … j’aimerais vivre de mon écriture, évidemment. Pour
profiter davantage de ma copine et de mes amis, lire plus et -surtout - prendre
le temps de rien faire. Ça, c’est vraiment un luxe dans ce monde survolté.
Comme beaucoup d'auteurs, je pense que tu as un roman préféré parmi ceux
que tu as écris. Lequel ?
Impossible de répondre. Je suis attaché à
tous mes bouquins car, au-delà du propos et de l’écriture, ils correspondent
chacun à une période forte de ma vie. Là, celui qui me vient est Jeudi noir : je m’y suis livré
comme jamais, dans mon rapport à la musique, à l’Histoire, à la connerie
ambiante, mais écrire ça me renvoie à d’autres. Si tu m’avais demandé celui que
j’aime le moins, ma réponse aurait été plus concise !
J'aimerais revenir sur "Fils de Sam", publié chez Ring. Pourquoi
avoir choisi ce serial killer ? Et puis surtout ce qui ressort de la lecture,
c'est l'incroyable documentation. Tu as des entrées au FBI ?
Si seulement ! Je suis très content
d’avoir écrit Fils de Sam, mais les
recherches m’ont vraiment épuisé. Quoique, c’était plus un problème d’éditeur
que de sujet … j’ai choisi de traiter le cas de David Berkowitz car il n’est
pas de la trempe de ces tueurs illuminés qui voient des dieux, des sionistes,
des extra-terrestres partout. À travers Berkowitz, j’ai eu l’occasion de
développer une idée qui m’est chère, à savoir qu’un assassin n’est pas un
« monstre » et que le pire s’explique le plus souvent. J’aime
réfléchir sur l’humain, ses capacités, ses limites, ses contradictions :
ça me permet d’explorer les miennes et de régler quelques comptes en interne.
Je te suis depuis tes débuts même si j'avoue ne pas avoir encore tout lu.
Ce qui ressort de ton oeuvre, c'est une intéressante variété. Tu arrives à te
renouveler et même à changer de style. Comment fais-tu ?
Tu n’as pas tout lu ? Pas grave, tu
es loin d’être le seul. Je suis mes envies. Après avoir passé plusieurs mois
sur un polar, j’ai besoin de changer d’air. Je n’ai écrit Fils de Sam que parce qu’il s’agissait d’un true crime et non d’un
polar, j’avais déjà écrit Sale temps pour
le pays et Adieu demain. J’aime
l’idée d’écrire sur un tueur, puis le foot, les médias … l’année prochaine
paraîtra un polar fantastique, et je songe de plus en plus à écrire un western.
Pour ce projet, je sais que je ne suis pas encore prêt, alors je laisse mûrir
l’envie.
2015, deux romans de prévu. Mais tu n'arrêtes pas ?
J’ai besoin d’écrire, sinon je déprime. Pendant
près de dix ans, j’ai écrit sans être publié et comme je déteste
« l’effort inutile », je remanie régulièrement d’anciens bouquins entre
deux nouveautés. Cette année, paraîtront en effet … Et justice pour tous - le dernier
volet de ma trilogie - et Le carnaval des
hyènes, situé dans les coulisses de l’info. Le ton y est très différent,
beaucoup plus ironique, et j’ai hâte de partager cette autre facette de mon
écriture avec les lecteurs.
Un petit mot pour la fin ?
Un mot et une question :
« Merci » et « Il sort quand, ton prochain bouquin ? »
Merci à Michaël Mention de s'être prêté au jeu.
Superbe interview, aussi bien les questions que les réponses. C'est sympa de la part de Michael de s'être prêté au jeu et d'avoir fourni des réponses si développées, intéressantes.
RépondreSupprimerSon idée de western me fait envie, j'espère qu'un jour que ce projet deviendra réalité.
J'ai découvert cet auteur il y a quelques mois à peine mais j'ai direct accroché à son style d'écriture.
Merci pour l'interview et cette nouvelle section du blog.