La madone de Notre-Dame, Alexis Ragougneau, Viviane Hamy

"La touriste fit un signe de croix puis s'approcha de banc. Dans un murmure empreint d'un fort accent, elle demanda à la jeune femme en blanc s'il lui était possible de s'asseoir à ses côtés pour prier. Celle-ci ne daigna pas répondre, invariablement figée, le regard aimanté par la statue de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. L'Américaine, après avoir répété sa question sans davantage obtenir de réponse, finit par poser son séant sur le banc dont le bois craqua sous l'effort. Alors, comme dans un cauchemar venu du plus profond de la nuit, la madone blanche hocha la tête. Son menton vint se poser sur sa poitrine puis, en douceur, presque avec grâce, son corps entier bascula vers l'avant et s'effondre sur le dallage à damier.
C'est alors que la grosse Américaine se mit à hurler."
La police et Claire Kauffmann, la procureur s'interrogent. Qui est cette morte à la robe blanche ? Au nom de quelle abomination lui a-t-on scellé le vagin à la cire de cierge ? Sa présence lors de la procession du 15 août tenait-elle de la provocation ou de la ferveur religieuse ? Le père Kern, le prêtre de Notre-Dame, est persuadé que l'enquête fait fausse route. Pour élucider le mystère de la Madone, l'homme de foi remontera jusqu'aux racines du mal.



Premier roman de Alexis Ragougneau qu'on dit plus habitué à écrire des pièces de théâtre que des histoires policières. Il signe ici une belle entrée dans le polar français avec une intrigue originale dans un cadre religieux et grandiose. La cathédrale de Notre-Dame et tout son chapelet de personnages aussi originaux qu''attachants.
Ce livre donnera aux lecteurs une vraie bouffée d'oxygène malgré la lourdeur du propos. Un crime horrible commis dans la cathédrale la plus visitée au monde, ce n'est pas banal. Mais quand le cadavre est posée pieusement sur une chaise et qu'il n'est découvert que beaucoup plus tard, là c'est moins drôle. Et quand on remarque que la femme a eu son vagin scellé à la cire, alors là on se croirait carrément dans un thriller sanglant. Pourtant, l'auteur ne nous emmène pas sur cette voie. Il biaise, bifurque, change de direction pour alléger le propos sans pour autant tomber dans un humour lourdaud qu'on peut trouver parfois dans ce genre de livres.
Alexis Ragougneau dessine des personnages originaux, subtils, sympathiques et détestables à la fois. Des personnages qui détonnent dans le polar et qui deviennent plus humains : "Landard s'ennuyait. Les scènes de crime l'emmerdaient au plus haut point, avec leur cohortes de techniciens et de photographes en combinaison immaculée. Il fallait s'abstenir de fumer, s'abstenir de marcher, s'abstenir de tousser, s'abstenir presque de respirer."
Autre point fort de ce livre, les dialogues, simples et efficaces :

" - Ton évêque auxiliaire, là, celui d'hier...
- Rieux Le Molay ?
- On peut le voir ?
- Il est parti.
- Où ça ?
- A Lourdes.
- Depuis quand ?
- Ce matin. Il a pris un train de bonne heure.
- Le cardinal chez les bridés et l'évêque à Lourdes. Décidément, tous les patrons se font la malle, ici "

Voilà donc un excellent moment de lecture, frais, original et efficace. Un très bon roman policier que je conseille à tous.
Disponible aux éditions Viviane Hamy.

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