Dans le sillage des forbans, Yann Tatibouët, Coop Breizh


Dans le sillage des forbans vient de sortir aux éditions Coop Breizh. Il s'agit en fait de la réunion des deux premiers romans de l'auteur initialement intitulés : "Tenter le diable" et "Priez pour nous".
Sortis en auto-édition, ces deux livres avaient bien marchés mais n'avaient pas conquis le lectorat dont ils méritaient.
Avec cette édition, gageons que cette fois mal sera réparé car ce livre le vaut bien.
 J'avais déjà eu l'occasion de chroniquer ces livres dans ce blog. Je recopie donc mes commentaires ci-dessous.

La nouvelle couverture, créée par Hugues Mahouas, est très belle et illustre à merveille l'univers de Yann Tatibouët.

Priez pour nous


Priez pour nous...pauvres pêcheurs, pourraient-on se dire à la lecture de ce roman singulier. Pas vraiment un polar à proprement parlé, ce livre est aussi historique qu'ethnologique.
L'histoire :
Octobre 1918, l'armistice vient d'être signé, la Grande Guerre se termine à peine. Pourtant, tous les hommes ne sont pas en paix. Vincent Falc'hun se terre sur les berges du golfe du Morbihan. Il n'a qu'un but : la vengeance.
Mais à côtoyer les pêcheurs, à naviguer sur un forban et à frôler la peau d'une femme, il va trouver bien plus... et perdre davantage.

Le décor est posé. Le golfe du Morbihan sert d'écrin magnifique à ce récit terrible. On y croise des personnages taillés dans le granit breton, des types au caractère bien dur, des femmes fortes habituées aux drames, à la mort, lot traditionnel des marins. Et puis, il y a cette guerre. Destructrice, ravageuse. Et puis, il y a ces hommes qui y sont revenus, parfois diminués autant physiquement que moralement. Ceux qui n'y sont pas allés, qui ont continué à travailler sur la terre de leurs ancètres. Grâce à Yann Tatibouët, on découvre la vie dans une bourgade bretonne du début du XXème siècle. On en apprend beaucoup sur les pêcheurs du Golfe mais aussi sur leurs moeurs : le mariage, les veillées, les pardons, leurs habitations, la religion...
Je  me suis demandé toutefois si le récit n'était pas trop technique ou "breto-centré". De nombreuses expressions font partie du langage breton qu'un non initié peut ne pas comprendre mais finalement, l'auteur fait en sorte de développer ses phrases d'une manière explicite et limpide.
J'ai évoqué plus haut le relief particulièrement intéressant des personnages. Cela se traduit aussi dans les dialogues, non dénués d'humour... :

" - N'aie pas de remords, ça doit lui rappeler le bon vieux temps où il pionçait sur les ponts.
- Il se tapait la cloche ? Il n'a pourtant pas l'air d'avoir eu une vie de mendiant...
- Mais non, benêt ! sur le pont des navires ! Essaie donc ces bottes au lieu de dire des conneries. "


... ou de gravité à l'évocation des tranchés :

"- Des héros, je n'en ai pas vu beaucoup des les tranchées, juste des hommes qui faisaient ce qu'ils devaient de façon héroïque. La peur, je peux vous en parler si vous y tenez tant. La peur du froid, des gaz, des grenades, des avions, des maladies, des tanks, de la faim, du magnésium qui révèle votre position dans la nuit la plus noire, des barbelés, de la soif, de la douleur, du lance-flammes, de la mitrailleuse, de la baïonnette, de l'ensevelissement quand le talus de retranchement s'effondre, des crapouillots, de la vermine qui grouille sous les vêtements, des poux, des mouches, de la mouscaille. Je peux surtout vous parler de la peur d'avoir peur, la pire peut-être. "

Enfin, il y a cette vengeance sourde. Celle de Vincent. Celle qui l'a amené dans ce village perdu. Parviendra-t-il à l'assouvir ?

Vous l'aurez compris, "Priez pour nous" est une véritable pépite à ne manquer sous aucun prétexte ! Un pélerinage à Saint-Anne d'Auray et quarante Pater pour celui qui ne l'aura pas lu dans l'année !
Kenavo Yann et à très bientôt !


Automne 1943, l'équipage d'un chalutier breton est décimé par les nazis.
Les survivants se terrent en rêvant de l'Angleterre. Ils sont hébergés chez Gwendal Pennawel, conteur d'exception, qui va réaliser l'oeuvre de sa vie en inventant un audacieux plan d'évasion. Qui en paiera le prix ?
Les barbelés n'arrêtent pas le vent de liberté qui souffle sur l'océan. Ce fut singulièrement vrai au cours de la Seconde Guerre mondiale pour de nombreux marins.


Tenter le diable

Dans ce roman mi-historique mi-polar mi-ethnologique, on retrouve les personnages du premier opus "Priez pour nous". Toute cette communauté de marins du Bono (petit port proche d'Auray en Bretagne Sud) a vieilli depuis 1918. Des chemins se sont séparés, des destins se sont éveillés, des drames se sont noués. Et c'est au coeur de la Seconde guerre mondiale que ces marins vont se retrouver pour lutter contre l'ennemi commun : les allemands. Ceux-ci sont bien implantés dans cette région sauvage et majestueuse. Eminément stratégique aussi car il s'agit pour l'occupant de contrôler tout départ et surtout tout débarquement anglais sur les côtes. Pas facile quand on connaît le caractère des bretons. Dur comme le granit et d'une loyauté à toute épreuve.
Ce livre est aussi l'occasion pour l'auteur de nous décrire les conditions de vie de ces hommes et de ces femmes, loin du champ de bataille, mais soumis à un régime sévère et autoritaire où tout le monde se méfie de tout le monde. Les certitudes d'autrefois ne sont plus les celles du moment. La faim, la peur, les dénonciations, les collabos, les exactions multiples et quotidiennes des nazis mettent à mal le moral des bretons.
Et dans l'ombre, un plan se trame pour sauver un équipage promis aux camps.
Comme dans son précédent roman, Yann Tatibouët raconte avec une précision historique cette guerre en utilisant les mêmes recettes : des descriptions succintes et des dialogues tranchants. Parfois, l'on croirait assister à de véritables joutes verbales tant les échanges entre les personnages sont vigoureux !
Bref, un très bon roman !

Commentaires

  1. j'adore lire, c'est trés bien nous sommes pris dans l'atmosphere aussitot , aussi bien le cadre , l'époque , le travail des forbans de l'ostreiculture, enfin je l'ai lu d'un seul jet et je le recommande

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